La poésie, plus que tout autre genre littéraire, possède, de  mon point de vue, un plus en comparaison avec les autres genres littéraires. La poésie est un genre pour lequel on affectionne les raccourcis vers l'image, la sonorité et les rimes ... 
                    En lisant  au quotidien des textes poétiques et on en faisant son cheval de bataille ou son dada, elle  élargit nos horizons. Voire même nous transforme au gré de notre amour pour les  mots, les belles phrases ou les tournures imagées.
                  En effet, la poésie nous ouvre de larges perspectives : elle éduque nos sens  et perceptions des choses, elle transforme notre façon d’apprécier le monde et  notre conception de la vie dans bien des domaines. 
                  Plus encore, la poésie développe  en nous toutes sortes de cultures et de savoir-vivre : culture du beau et  de l’esthétique, l’art de savoir parler et de bien dire les choses, avec éloquence, élégance et force rhétorique.
 
                  Enfin, avec la poésie, impossible de ne pas être un être lucide,  pétri de bon sens, agréable, intelligent, bien dans sa peau, cool, bon vivant et ouvert sur  les autres … 
Je vous propose quelques  poèmes  sélectionnés  pour vous.  Bonne lecture !
 
                    
                  
1-La mer
Oh mer, tu t’appelles ainsi,
                    Oh camarade d’océan,
                    Ne perd pas le temps et l’eau,
                    Ne te secoue pas tellement, aide-nous
                    Nous ne sommes que des pêcheurs,
                    Des hommes du rivage,
                    Nous avons froid et faim,
                    Tu es notre ennemi,
                    Ne frappe pas si fort,
                    Ouvre ta boîte verte
                    Et dépose entre nos mains à tous,
                    Ton cadeau d’argent :
                    Le poisson  de chaque jour.
 Pablo  NERUDA
                    Odes élémentaires.
2-Les deux chemins
Un enfant, au bout d’une route,
                    Trouva tout à coup deux chemins,
                    Il s’arrêta, rempli de doute,
                    Roulant son  chapeau dans ses mains.
                    
                    Fallait-il prendre à gauche, à  droite,
                    Ou bien rester là jusqu’au  soir ?
                    Sur un arbre, une planche étroite
                    Portait un  avis peint en noir.
                    
                    Mais l’enfant ne savait pas lire,
                    Il eut beau se gratter le nez,
                    La planche ne put lui dire
  « C’est  par ici, petit, venez ! »
  
                    Par bonheur une paysanne
                    Vint et le tira d’embarras
                    Elle lui dit : « suis bien  mon âne,
                    Et jamais tu  ne te perdras. »
                    
                    Le jeune enfant baissa la tête,
                    Et contre lui même il boudait
                    D’être conduit par une bête
                    Et d’être  plus sot qu’un baudet.
                    
                    Si tu veux connaître ta route,
                    Mon petit, quand tu seras grand,
                    Instruis-toi bien, car il en coûte 
                    De passer  pour un ignorant.
                    
                    O.AUBERT
                    Pour nos chers enfants (Nathan,  édit.)
3-Complainte du cheval blanc
Le petit  cheval blanc dans le mauvais temps, 
                    Qu’il avait  donc du courage ! 
                    C’était un  petit cheval blanc,
                    Tous  derrière et lui devant.
                    Il n’y avait  jamais de beau temps
                    Dans ce  pauvre paysage.
                    Il n’y avait  jamais de printemps,
                    Ni derrière  ni devant.
                    Mais  toujours il était content,
                    Menant les  gars du village,
                    À travers la  pluie noire des champs,
                    Tous  derrière et lui devant.
                    Sa voiture  allait poursuivant
                    Sa belle  petite queue sauvage.
                    C’est alors  qu’il était content,
                    Eux derrière  et lui devant.
                    Mais un  jour, dans le mauvais temps.
                    Un jour  qu’il était si sage,
                    Il est mort  par un éclair blanc.
                    Tous  derrière et lui devant.
                    Il est mort  sans voir le beau temps,
                    Qu’il avait  donc du courage !
                    Il est mort  sans voir le printemps
                    Ni derrière,  ni devant.
Paul FORT.
4-Devoirs fraternels
                    Si ton frère te  dit : « Je suis pauvre et j’ai faim »,
                    Ton devoir est d’offrir la moitié de  ton pain 
        À ton frère.
                    Si ton frère te  dit : « Je suis pauvre et j’ai froid »,
                    Ton devoir est d’offrir la moitié ton  toit 
      À ton frère.
                    Si ton frère te  dit : « Je suis seul, faible et las »,
                    Ton devoir est d’offrir le secours de  ton bras
      À ton frère.
                    Si ton frère te dit :  « L’avenir me fait peur »,
                    Ton devoir est de mettre un peu  d’espoir au cœur
      De  ton frère.
Si ton frère te dit : « je  suis seul, triste et vieux »,
Ton devoir est d’offrir les soins les  plus pieux
      À ton frère.
                    Xavier PRIVAS
                      Chansons des enfants du peuple.
5-Le poète c'est un ouvrier
On aboie au  poète :
  « Toi,  je voudrais t’y voir, devant un tour.
                    Quoi, des  vers ?
                    Des  balivernes !
                    Qu’il faille  être au travail, on fait le sourd. »
                    Peut-être  que 
                    Personne
                    Comme nous
                    N’a le cœur  à l’ouvrage.
                    Je suis une fabrique.
                    Et si les  cheminées
                    Me manquent,
                    Peut-être
                    Sans  cheminées,
                    Ne faut-il  que plus de courage.
                    Je le  sais :
                    Vous n’aimez  pas les phrases creuses.
                    Quand vous  sciez du bois, c’est pour faire des bûches
                    Et nous,
                    Que  somme-nous sinon des ébénistes,
                    À façonner  la tête humaine, cette bûche.
Vladimir MAIAKOVSKI.
6-Liberté
Sur mes cahiers d’écolier
                    Sur mon pupitre et les arbres
                    Sur le sable et sur la neige
                    J’écris ton  nom
                    
                    Sur toutes les pages lues
                    Sur toutes les pages blanches
                    Pierre, sang, papier ou cendre
                    J’écris ton  nom
                    
                    Sur les champs sur l’horizon
                    Sur les ailes des oiseaux
                    Et sur le moulin des ombres
                    J’écris ton  nom
                    
                    Sur les sentiers éveillés
                    Sur les routes déployées
                    Sur les places qui débordent
                    J’écris ton  nom
                    
                    Sur la santé revenue
                    Sur le risque disparu
                    Sur l’espoir sans souvenir
                    J’écris ton  nom
                    
                    Et par le pouvoir d’un mot
                    Je recommence ma vie
                    Je suis né pour te connaitre
                    Pour te nommer
                  Liberté.
                    Paul ELUARD
                      Liberté.
7-Le petit poisson et le pêcheur
Petit poisson deviendra grand,
                    Pourvu que dieu lui prête vie.
                    Mais le lâcher en attendant,
                    Je tiens pour moi que c’est  folie :
                    Car de le  rattraper il n’est pas certain.
                    Un carpeau qui n’était encore que  fretin
                    Fut pris par un pêcheur au bord de la  rivière.
  « Tout fait nombre, dit l’homme  en voyant son butin ;
                    Voilà commencement de chère et de  festin :
                    Mettons-le en notre gibecière. »
                    Le pauvre carpillon lui dit en sa  manière :
  « Que ferez-vous de moi ?  Je ne saurais fournir
                    Au plus qu’une demi-bouchée.
                    Laissez-moi carpe devenir :
                    Je serai par vous repêchée ;
                    Quelque gros partisan m’achètera bien  cher :
                    Au lieu qu’il vous en faut chercher
                    Peut-être encore cent de ma taille
                    Pour faire un plat : quel  plat ? Croyez-moi, rien qui vaille.
                    Rien qui vaille ? Eh bien !  Soit, répartit le pêcheur :
                    Poisson, mon bel ami, qui faites le  prêcheur,
                    Vous irez dans la poêle ; et  vous avez beau dire,
                    Dès ce soir on vous fera frire. »
                    Un tiens vaut, ce dit-on, mieux que  deux tu l’auras ;
                    L’un est  sûr, et l’autre ne l’est pas.
La Fontaine, fables V-III.
8-Professeurs
J’ai  rencontré jadis une femme,
                    Aux  cheveux noirs, du plus noir qui soit.
                    Es-tu  professeur des cœurs ?
                    Doucement elle répondit non.
                    J’ai  rencontré une fille au bout de la mer
                    Aux  cheveux d’or, comme l’or peut être.
                    Es-tu  professeur des cœurs ?
                    Oui, mais pas pour toi.
                    J’ai  connu un homme qui perdit la raison
                    Dans  quelque lieu perdu que j’aurais voulu trouver.
                    Suis-moi,  me dit-il,
                    Mais il marcha derrière moi.
                    J’entrai  dans un hôpital :
                    Pas un  malade ni un homme sain.
                    Le soir,  les infirmières parties,
                    Je ne pouvais plus marcher.
                    Ni trop  tard, ni trop tôt
                    Vint le  matin, puis vint midi.
                    Au dîner  une lame de bistouri
                    Etait posée prés de ma cuiller.
                    Quelques  filles s’égarent par erreur
                    Dans le  désordre des bistouris.
                    Etes-vous  professeur des cœurs ?
                    Nous apprenons aux cœurs âgés à se  briser.
                    Un jour  je m’éveillais tout seul,
                    Plus  d’hôpital ni d’infirmières.
                    Ai-je  entaillé suffisamment ?
                    Tu n’es plus qu’un os.
                    J’ai  mangé et remangé,
                    Je n’ai  pas manqué une assiette.
                    Combien  coûtent de tels soupers ?
                    Nous le paierons en haine.
                    J’ai  dépensé partout ma haine,
                    Dans  chaque ouvrage, chaque visage.
                    Quelqu’un  m’offrit des souhaits.
                    Mais je souhaitais une étreinte.
                    Plusieurs  filles m’on étreint,
                    Et puis  ce furent des hommes.
                    Ma  passion est-elle parfaite ?
                    Fais-le encore une fois.
                    J’étais  beau et j’étais fort,
                    Je savais  les paroles de chaque chanson.
                    Mon chant  vous a-t-il plu ?
                    Tu t’es trompé de paroles.
                    Qui sont  ceux a qui je m’adresse ?
                    Qui  retient ce que je confesse ?
                    Etes-vous  professeurs des cœurs ?
                    Oui, répondirent-ils en chœur.
                    Messieurs  les professeurs, ai-je fini mes leçons,
                    Ou  dois-je en apprendre une autre ?
                    Ils se  mirent à rire :
                    Mon fils, cela ne fait que commencer.
VASSAL-Brierre.
9-L'endurance
Toi qui  suce le sang de la populace,
                    Toi qui  s’en gêne veux détruire sa race,
                    Toi qui  l’empêche de s’épanouir
                    De  marcher droit vers l’avenir
                    Ne  peux-tu t-en-aller de cette terre
                    Ou tu as  semé tant de misère
                    Cette  misère vous ait payée en retour
                    Vous vous  entretuez comme des vautours
                    De loin  vous regardent impassible
                    Livrant  un combat impossible
                    Qui  demain vous exterminera
                    Et l’air  de la paix reprendra
                    Elle est  à nous seuls l’Algérie
                    Notre  patrie et notre mère chérie,
                    Vous avez  voulu nous la ravir,
                    Il nous  fallait plutôt mourir,
                    Car c’est  notre devoir d’offrir notre vie,
                    Pour défendre l’indépendance de notre  Algérie.
Djelloul "Maison carrée".